BlogL’esport en question #8 : L’esport et ses stars

Dans un secteur centré sur le divertissement, il est habituel que certaines personnalités se démarquent et attirent les regards. Dans l’article du jour, nous vous proposons de partir à la découverte de quelques célébrités qui ont fait leurs armes dans le monde de l’esport. Ce plongeon au cœur des stars de l’esport est également l’occasion de comprendre un peu mieux les particularités de cette discipline, notamment son rapport aux réseaux sociaux.

Par Olivier Fortz

Il est normal qu’un secteur basé sur la compétition et la diffusion de celles-ci créée des stars. Les premiers auxquels on peut penser sont évidemment les athlètes, ceux qui sont sur les devants de la scène et qui font vivre de si fortes émotions à leurs fans. Si ce sont évidemment les stars numéro 1 du secteur, ils ne sont pas seuls à mêler travail dans l’esport et célébrité. Aujourd’hui, nous partons donc à la rencontre de quelques acteurs du secteur qui se démarquent par leur caractère public, afin d’un peu mieux comprendre certains phénomènes liés à ces carrières.

Les joueurs sont évidemment au centre de toutes les passions et de toute l’industrie. Le plus connu d’entre eux est sans nul doute Lee Sang-hyeok, un jeune coréen plus connu sous le pseudonyme “Faker”. Joueur professionnel sur le jeu League of Legends depuis 2013, il est aujourd’hui le joueur ayant cumulé le plus grand nombre de trophées au monde, parmi lesquels trois titres de Champion du Monde. Le plus impressionnant chez ce joueur, c'est la longévité de sa carrière. Recruté en 2013 à l’âge de 17 ans par l’équipe coréenne SK Telecom, il est encore aujourd’hui, dix ans plus tard, le midlaner (NDLR : joueur de la voie du milieu) de cette équipe et continue de l’emmener jusqu’au plus haut niveau. Il a notamment participé, avec ses équipiers, à la finale des Worlds de League of Legends 2022, qu’il a presque remportée. A 26 ans, il est encore un joueur de très haut niveau et ne semble pas prêt de prendre sa retraite. Cette dernière information peut sembler étonnamment logique tant l’âge de 26 ans paraît jeune pour commencer à parler de retraite, pourtant c’est l’âge moyen auquel les esportifs arrêtent de jouer au plus haut niveau. Ce qu’il faut comprendre c’est que non seulement les joueurs commencent généralement leur carrière tôt (16/17 ans), mais en plus le secteur est encore jeune et manque parfois de stabilité. La compétition est rude et pour faire partie des meilleurs il faut parfois s’entraîner jusqu’à 10 heures par jour, suivre un programme rigoureux, tout en ne sachant pas pour combien de temps cette fabuleuse aventure durera. Si le burn-out est une première cause d’arrêt des carrières, les joueurs quittent également le milieu de leur propre chef quand leurs performances ne sont plus au niveau. Généralement, l’arrivée de jeunes joueurs (16/17 ans) très talentueux fait naître l’idée que les erreurs des joueurs plus âgés (25/26 ans) sont liées à leur âge. Dès lors, leur réponse est de quitter leur poste de joueur pour devenir coach, manager voire même pour quitter le secteur de l’esport.

Pour mettre en avant les performances des joueurs, il nous faut des commentateurs et journalistes de qualité, qui animent la diffusion. Dans notre dernier article, nous vous parlions d’ailleurs de la diffusion de l’esport en vous partageant l’avis éclairé de Fabien “Chips” Culié, commentateur francophone du jeu League of Legends. Pour fournir une diffusion de qualité, il faut proposer tout un panel de talents qui, à force de passer à l’écran devant des milliers (voire des millions) de spectateurs, acquièrent une renommée. Il n’est d’ailleurs pas rare que ces talents (hosts, journalistes ou encore commentateurs) développent de grandes communautés sur leurs réseaux, à commencer par Twitter. En Belgique, nous pouvons d’ailleurs nous targuer d’avoir l’une des personnalités les plus suivies du milieu : Eefje “Sjokz” Depoortere, présentatrice et journaliste esport depuis 2013, suivie par près de 1.700.000 personnes tous réseaux cumulés. Ce qui est important à comprendre c’est la place de la communauté dans ce milieu. En effet, dans le domaine de l’esport la plupart des talents (journalistes ou commentateurs) se sont construits au fil des années, sans suivre de formation particulière. S’ils ne sont pas tous aussi célèbres que les joueurs de plus haut niveau, c’est grâce à leur capacité à s’intégrer dans une communauté et à fédérer les spectateurs autour de leur travail qu’ils ont tiré leur épingle du jeu. Cette importance des réseaux sociaux s’explique assez simplement : l’esport a grandi en parallèle de ces nouveaux espaces d’expression, et la communauté des gamers a toujours cherché de nouveaux espaces pour se connecter avec les joueurs du monde entier. Ainsi, certains réseaux comme Reddit ou Twitter sont des indispensables pour fédérer autour de certains projets, ce qui peut même pousser les propriétaires d’équipes à utiliser ces réseaux pour interagir directement avec leurs fans. Soutenir son équipe en cas de victoire, accepter ses erreurs en cas de défaite ou encore demander l’avis des fans sont autant d’actions qui aident les équipes à se forger une image de confiance et de qualité. Cependant, cela peut également s’avérer contre-productif quand l’image d’une personnalité impliquée dans l’équipe ne correspond pas aux valeurs des supporters. Carlos “Ocelote” Rodriguez, fondateur de l’équipe européenne G2 Esports, en a ainsi fait les frais quand, après s’être affiché sur Twitter en compagnie d’Andrew Tate. Pour rappel, Andrew Tate est une personnalité publique, connue non seulement pour ses propos masculinistes et misogynes (on le surnomme le “roi de la masculinité toxique”), mais également soupçonné de trafic d’être humain. Ses différentes prises de positions mettent en avant un ensemble de valeurs qui sont opposées aux valeurs d’inclusion et d’ouverture chères à l’Esport. Devant l’insistance de Carlos Rodriguez à affirmer qu’il pouvait “faire la fête avec qui il voulait”, non seulement l’éditeur Riot Games a décidé de rompre le contrat permettant à son équipe d’entrer dans la ligue de Valorant, mais il a également fini par démissionner de toutes ses fonctions au sein de la structure. Après avoir fondé et incarné pendant 8 ans ce club majeur en Europe, cette controverse aura eu raison de la carrière de l’ex-joueur professionnel au sein de l’esport.

Enfin, comment parler d’esport et de personnalités publiques sans mentionner les créateurs de contenu. Ce qui fait la particularité de ces streamers, youtubers et autres influenceurs c’est leur capacité à pouvoir s’intégrer dans toutes les fonctions du milieu. Ainsi, certains streamers se retrouvent invités sur des plateaux pour leur expertise en tant que joueur de haut niveau, d’autres encore décident de tenter l’aventure en rejoignant des équipes semi-professionnelles voire professionnelles (même si il est plus courant qu’un joueur déjà professionnel se mette à streamer pour rencontrer sa communauté), d’autres enfin lancent leur propre structure. Partout à travers le monde ce phénomène ne fait que grandir, notamment chez nos voisins français ou la scène esportive a récemment vu exploser le nombre d’équipes fondées par des streamers professionnels. Ainsi, on pourra citer la Karmine Corp, co-fondée par le streamer Kameto (Kamel Kebir), Solary, web TV et club esportif fondée par un ensemble de streamers sortis des rangs de la web TV Eclypsia, Mandatory, club fondé par Zerator (Adrien Nougaret) ou encore la toute récente Gentlemates, équipe fondée par Squeezie, Gotaga et Brawks. Le plus marquant avec tous ces projets, c’est l’ambition commune qui anime ces créations d’équipes : l’envie de faire grandir un secteur et de partager une passion qui fait rêver toute une génération. Si autant de streamers se lancent dans l’aventure de dirigeant d’un club esport, c’est parce qu’ils jouent depuis toujours aux jeux vidéo et qu’ils ont là une opportunité de réaliser un rêve : celui de voir leur hobby enfin célébré à sa juste valeur. En investissant dans le secteur, ils lui offrent une visibilité et créent de véritables histoires qui fédèrent des communautés de plus en plus grandes. Cette évolution est peut-être l’une des plus importantes transformations récentes dans le secteur de l’esport car elle annonce de nouvelles histoires à raconter, mais surtout des communautés de plus en plus engagées, prêtes à défendre leur équipe et leur passion coûte que coûte.

Nous arrivons à la fin de ce tour d’horizon des célébrités du secteur esportif. Cet article était notamment l’occasion d’aborder le rapport aux réseaux sociaux et aux communautés dans ce milieu, qui est un pilier de son fonctionnement actuel. Au vu son évolution rapide, il est possible que certaines stars d’aujourd’hui soient les inconnus de demain, mais tous partagent cette même passion du jeu vidéo qui fait vivre l’esport.